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Tourisme

Projet sur le tourisme de masse soulignant les rapports qu'entretien l'homme et nature. Expérience sociale et individuelle.

Tourisme

Avec 76 millions de visiteurs par an en France et 22 millions au Mexique ces deux pays figurent parmi les plus visités au monde, ils sont classés selon l’Organisation Mondiale du Tourisme respectivement en première et dixième place. L’industrie du Tourisme est un des secteurs clés dont la croissance se développe de façon continue au fil des décennies. Le progrès socio-économique qu’elle génère n’est pas sans conséquence, il laisse une empreinte durable dans l’environnement et conduit également à des bouleversements socioculturels. Ayant vécu dans ces deux pays et travaillé dans le secteur hôtelier de ma ville natale : Cancùn au Mexique dans les années 90, j'ai pu m'apercevoir des mécanismes complexes mis en place dans l'industrie du tourisme de masse et des bouleversements socio-économiques qu'elle a générés à Cancùn, ville passée de 15 000 habitants à million en l'espace de 20 ans. Les paradoxes sur lesquels est fondée cette industrie sont visibles. La réappropriation d'un écosystème à des fins économiques par l'industrie touristique basée sur les atouts naturels d'un lieu, le transforme radicalement tout en exploitant son authenticité et sa culture locale mises à mal et sans cesse retouchées et transformés par ces mécanismes. Le réel, l’expérience individuelle transformée en biens et services de consommation et les formes qui résultent de cette confrontation rendent confuses les frontières entre ce réel et le simulacre, entre la nature et l'artifice.


La série « Tourisme (invitation au voyage)» est une tentative d'exprimer ces réflexions jouant de l’expérience collective et personnelle qu’est celle du tourisme. Sur le plan conceptuel le célèbre essai publié en 1863 « Peintre de la vie moderne » de Baudelaire m'a accompagné dans ma réflexion. Ce sont les rapports entre la notion du beau et de la Nature que soulève le poète dans le chapitre « Éloge du maquillage », qui m'ont offert un appui pour la conception de cette série. Dans ce chapitre Baudelaire souligne l'erreur relative à la notion du beau et de la nature. Pour lui, elle est l’héritage d'une fausse conception de la morale, laquelle prend dans la nature « comme base, source et type de tout bien et de tout beau possibles ». Pour le poète, la nature contraint d'abord l'homme à subvenir à ses besoins les plus élémentaires : manger, boire, s'abriter. C'est la Philosophie, la Religion, l'Art qui distinguent l'homme dans son altruisme comme des formes acquises et non innées ; « Tout ce qui est beau et noble est le résultat du calcul et de la raison ». Pour Baudelaire, la vertu, est artificielle, surnaturelle puisqu'elle a du être enseigné pour l'homme et par l'homme ; « Le mal se fait sans effort, naturellement. Le bien est toujours le produit d'un art ». Ce que Baudelaire reproche à travers ces lignes, c'est l'attitude à distinguer le beau, le bon, comme produit de la nature. C'est un reproche qu'il faut placer dans son contexte général, Baudelaire extrait de la modernité cette notion du beau, et dont la mode à chaque époque constitue un signe, un symptôme d'un goût idéal, né dans l'esprit des hommes comme : « un essai permanent et successif de reformer la nature ».


Cette série d'images met en scène des hommes et des femmes souvent anonymes dans des lieux souvent touristiques. Ils photographient et parcourent ces espaces naturels communément identifiés comme beaux. Leur expérience photographique traduit cette fascination fondée elle-même par nos désirs, notre curiosité, par notre conception du beau et de la nature. Formellement, cette série rappelle la photographie naturaliste, où l'objet d'étude est tenu à une certaine distance, d'autre part ces images rappellent la photographie paparazzi cherchant toujours à identifier une figure à distance. C'est l’expérience visuelle qui est mise en scène devant le spectacle naturel.

Muni de mon appareil comme tant d’autres, je parcours avec mes proches des lieux plus ou moins célèbres. L’intérêt que je porte à ces lieux est circonstanciel et répond à des désirs divers dont l’évasion, le dépaysement, la mémoire collective, désirs mus en grande partie par la curiosité. La série « Tourisme (invitation au voyage)» est réalisée dans de telles circonstances, elle met en scène des touristes comme moi, faisant partie du même décor dans une expérience collective de la vision, une mise en abyme s’opère, les images renvoient à mon geste de fixer sur l’appareil cette expérience.


Cette série fait état de nos relations au monde, de notre intérêt superficiel, profond ou spirituel pour les territoires célébrés où la mémoire collective se reconstruit à travers ces lieux idéalisés, chargés du sens qu’on lui attribue, et qu’on aménage pour la contemplation. La figure humaine semble isolée dans les parenthèses que lui offre la vie courante, submergée dans un paysage dont elle fait partie et qui lui échappe, comme un horizon qu' elle enregistre pour en garder une trace. Mais sa présence est aussi la marque de son absence, de cette nature qu’elle contemple comme un décor insaisissable ; c’est le paradoxe d’une humanité en quête de sa propre humanité à travers des expériences aménagées dans un territoire donné. Ces images rappellent notre condition d’animal chassé d’un territoire qui n’est plus le notre et notre désir de conserver, classer et documenter ces expériences par l’image, leur donner un sens, leur attribuer une histoire. Mon appareil enregistre cette confrontation entre la nature et ce qui n'en fait pas partie, les images génèrent alors une fiction, un mythe ou le territoire est le théâtre de cette confrontation dans une quête d’idéal.

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